ET LA MARMOTTE ...
par Angelène
- “ Salut les amis ! Qu’est-ce que vous faites ? demanda Largo, d’un ton enjoué.
- On se prépare pour aller skier ... ” répondit Joy, la bouche à moitié pleine des carrés de chocolat suisse qu’elle venait d’ingurgiter.
Un sourire éclaira le visage de Largo.
- “ Super ! annonça-t-il à ses trois amis de l’Intel Unit. Je viens avec vous !
- Ah non, pas possible... fit Kerensky. Sullivan est passé pour toi et il t’a laissé une myriade de dossiers à consulter. ”
Le Russe joignit le geste à la parole en déposant une grosse pile d’une dizaine de dossiers dans les bras du jeune milliardaire. Puis il quitta leur chambre d’hôtel, ses skis sous le bras, retenant un sourire. Joy rangea ce qu’il restait de sa tablette de chocolat dans la poche intérieure de son gros parka et rajouta à la pile une vingtaine d’autres dossiers.
- “ Bon courage Largo. Tu dois terminer tout ça pour demain ! ” dit-elle avant de rejoindre le Russe sur les pistes.
Largo fit une moue de petit garçon.
- “ Allez-y ! cria-t-il à ses deux amis qui disparaissaient déjà dans le couloir. Laissez-moi seul avec mon boulot ! Allez vous amuser ! ET CASSEZ-VOUS BIEN LES JAMBES ! ! ! ! ! ”
Puis il se tourna vers son meilleur ami Simon.
- “ Tu te rends compte de ce qu’ils osent me faire à moi ?
- Ce n’est pas de leur faute... fit Simon, goguenard. Tu diriges le Groupe W, à toi de prendre tes responsabilités.
- Mais quand même... Je croule sous le travail ! Je me demande où Sullivan trouve tous ces dossiers à me faire étudier ! J’ai l’impression qu’il en invente exprès pour me mettre au supplice.
- Ok mon vieux, tu veux qu’on aille vérifier ?
- Vérifier quoi ?
- Ben où Sullivan trouve tout ce boulot en rab, même en vacances ! Je l’ai croisé tout à l’heure dans le hall de l’hôtel, il m’a dit qu’il sortait rencontrer un partenaire social... On n’a qu’à le suivre ! T’es partant ?
- Et comment ! ” s’enthousiasma Largo, abandonnant sa pile de dossiers qui s’écrasa sur le sol.
Nos deux compères partirent donc écumer la magnifique région montagnarde dans laquelle ils avaient fait escale quelques jours plus tôt, suivant à la trace, et le plus discrètement possible John Sullivan. Celui-ci, absolument inconscient du fait qu’on le filait, se dirigeait sans crainte vers son “ atelier ” pour y rendre une petite visite à ses “ ouvrières ”. Il arrêta sa voiture devant un petit sentier étroit qui le conduisit vers une grande vallée fleurie et verdoyante dominée par un charmant petit chalet de montagne, très cosy.
Simon et Largo, camouflés dans les bosquets avoisinants, se plaquèrent au sol pour être sûrs de ne pas être vus et observèrent le vieil homme d’affaire irlandais qui frappait deux coups discrets à la porte, laquelle s’ouvrit aussitôt. Sullivan entra et après s’être consultés d’un regard, Simon et Largo décidèrent de se rapprocher du chalet pour regarder ce qu’il s’y passait par la fenêtre.
Et ils ne furent pas déçus du spectacle qui s’offrait à eux.
En effet, une dizaine de petites marmottes, debout sur leurs deux pattes arrières, travaillaient à la chaîne dans le chalet-atelier, installées en U autour d’un tapis roulant qui faisait défiler des dossiers estampillés Groupe W et toute sorte de paperasserie. Tandis que les unes triaient les pages des différents contrats, les autres les agrafaient ensemble pour finalement les passer à la dernière équipe qui les glissait dans les dossiers cartonnés pour les tendre fièrement à Sullivan.
Celui-ci observait ce petit monde d’un air bienveillant, et passa une demi-heure auprès des marmottes pour les féliciter de leur dur labeur, leur promettant une augmentation afin d’améliorer leur productivité. Puis, il saisit un tas d’une vingtaine de dossiers, et sifflotant joyeusement, il les salua poliment avant de quitter le chalet pour retourner en ville.
Lorsqu’il s’apprêta à s’en aller, Simon et Largo se bousculèrent maladroitement pour se jeter dans le bosquet qui les avait camouflés. Sullivan eut une grimace perplexe en entendant du bruit provenant des petits buissons, puis haussa les épaules et gravit le sentier en chemin inverse à son arrivée, sans plus s’en soucier.
Simon et Largo échangèrent un regard halluciné. Ils se relevèrent précipitamment avant de s’en retourner vers la petite fenêtre par laquelle ils avaient assisté à la fébrile activité du chalet-atelier. Ils se frottèrent les yeux, comme pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas, et restèrent bouches bées, en constatant que les marmottes n’avaient pas bougé et qu’elles continuaient leur travail consciencieusement.
- “ Oh mon Dieu Simon... Tu as vu ça ?
- Je n’y crois pas... balbutia le Suisse.
- Sullivan exploite illégalement des marmottes pour me faire faire des heures supps’. Tu te rends compte ?
- Qu’est-ce qu’on fait ?
- Faut qu’on dise ça à Georgi et à Joy ! ”
Aussitôt, les deux complices dévalèrent la vallée, toutes jambes dehors, pour rejoindre le village. Ils retrouvèrent les deux autres membres de l’Intel Unit, sur la place du village, dans une petite supérette à laquelle s’était précipitée Joy lorsqu’elle s’était retrouvée en panne sèche de tablette de chocolat.
- “ Joyyyyyyyy ! Georgiiiiiiiiiiiii ! crièrent Simon et Largo en se jetant sur eux, en plein magasin.
- Qu’est-ce qui vous arrive ? demanda Georgi.
- Des marmoooooooooooooooottes ! expliquèrent-ils on ne peut plus succinctement.
- Hein ?
- On a compris comment Sullivan trouvait tout le boulot qu’il donnait à faire à Largo ! Il sous-traite des marmottes qu’il exploite pour faire ses basses besognes !
- Qu’il exploite ?
- Oui, ce sont les marmottes qui fabriquent les dossiers!
- Des marmottes ?
- Vi, même qu’elles travaillent à la chaîne !
- A la chaîne ?
- Oui, et la marmotte, elle met le contrat, dans le dossier tamponné Groupe W ! ”
Georgi et Joy échangèrent un regard embarrassé.
- “ Mais bien sûr ! ” se contenta de marmonner Joy en croquant dans sa tablette de chocolat.
Fin.